Cet article a été écrit dans le cadre de mes études à l'École Supérieure de Journalisme de Paris.
La consigne était de rédiger un papier pour le web sélectionnant 5 morceaux de musique liés par une thématique commune.
Calibrage : 6000 signes
Quelques exemples de relations humaines en musique
Qu’elles soient amicales ou amoureuse, les relations peuvent être agréables ou douloureuses, profitables ou nocives, etc. Petit tour d’horizon en musique.
Dans la musique, les artistes ont beaucoup écrits sur les rapports entre les hommes. Il semble que la majorité se soit concentré sur ses aspects négatifs. Par exemple, le groupe texan ZZ Top a proposé en 1990 un titre nommé « 2000 Blues« . Le morceau, un blues lancinant, décrit la difficulté de la vie lorsque l’on est atteint d’un vague à l’âme. Le dernier couplet explique l’une des raisons de cette morosité :
« If I had an airplane
with a co-pilot too,
I’d fly to a planet
that was closest to you.
I’d set the tracking system
with your safety fuse,
and set the countdown
for 2000 blues. »
L’absence de l’être cher, son éloignement peut accabler une personne. Le groupe, pourtant connu pour ses blues, ne jouera d’ailleurs pas souvent ce morceau en live. Un seul a été enregistré (en mauvaise qualité) en 1991.
Dans la même thématique, le groupe Gorillaz a écrit un titre décrivant les mêmes « symptômes » : On Melancholy Hill [nldr : le clip n’illustre pas les paroles du morceau, car Gorillaz construit les clips d’un album comme une seule histoire cohérente]. Le bassiste (fictif) Murdoc justifie ce titre : « la Melancoly Hill, c’est ce sentiment, ce lieu qui prend parfois place dans votre âme, comme si un proche vous laissait tomber. » Le morceau indique comment surmonter un spleen passager : en étant avec quelqu’un que l’on apprécie.
« Well you can’t get what you want
But you can get me
So let’s set out to sea
‘Cause you are my medicine
When you’re close to me »
Le compositeur du groupe (réel cette fois) Damon Albarn explique pourquoi le morceau paraît léger si l’on écoute pas les paroles : « D’un côté, cela parle du pessimisme de notre condition. Mais d’un autre, il y a une certaine beauté dans ce pessimisme. Pour moi, la mélancolie est l’équilibre des deux. » On Melancoly Hill a ainsi deux niveaux de lecture, qui se compense : un presque jovial, symbolisé par la musique, et un plus lourd, accessible à travers les paroles.
Mais être en compagnie d’une personne appréciée ne résout pas tous les problèmes. L’auteure-compositrice-interprète britannique Kate Bush considère même que les hommes et les femmes sont voués à une incompréhension éternelle. Dans son morceau Running up that Hill, on trouve ainsi ce passage :
« Is there so much hate for the ones we love?
Tell me, we both matter, don’t we?
You, it’s you and me
It’s you and me, won’t be unhappy
And if I only could
I’d make a deal with God
And I’d get him to swap our places. »
Elle explique son choix ainsi : « j’essayais de dire qu’un homme et une femme ne peuvent pas se comprendre entre eux, justement parce que nous sommes des hommes et des femmes. Si l’on pouvait changer de place un moment, nous aurions sûrement des sacrées surprises. Et je pense que cela aboutirait a une meilleure compréhension. » Dans la chorégraphie du clip officiel, elle illustre cette idée avec elle-même et un danseur noyés dans une foule anonyme portant des masques à leur effigie. Ils sont ensuite séparés et éloignés par ce flot de gens dans les sens opposés d’un couloir. Le morceau a connu un succès planétaire, et a été joué plusieurs fois en concert, notamment avec avec David Gilmour (de Pink Floyd), pour le Secret Policeman’s Third Ball.
Une telle incompréhension ne peut mener que vers une séparation, parfois douloureuse. Tove Lo raconte son ressenti suite à une désunion, dans le morceau Habits (Stay High) :
« I gotta stay high all the time
To keep you off my mind
High all the time
To keep you off my mind
Spend my days locked in a haze
Trying to forget you babe
I fall back down
Gotta stay high all my life
To forget I’m missing you »
Le clip, original dans sa réalisation à sa sortie, montre l’artiste après une rupture. On la voit se noyer dans les fêtes et l’alcool pour oublier sa douleur, qui ressurgit malgré tout parfois. Une boucle qui semble infinie est lancée. Tove Lo s’est beaucoup investie dans ce morceau, puisqu’elle y raconte sa propre histoire : son ancien compagnon a brusquement décidé de rejoindre un mouvement bouddhiste, ce qui a précipité leur séparation. Elle décrit les mois suivants ainsi : « il y avait beaucoup de passion et de souffrance, tout ça dans un nuage de fumée, un véritable chaos. »
Pierre Loti, si il avait pu échanger avec Kate Bush et Tove Lo, aurait certainement été du même avis. Son livre Rarahu ou le Mariage de Loti est aussi pessimiste que Running up that Hill et dramatique que Habits (Stay high), puisque l’héroïne Lakmé finit par mourir dans les bras de celui qu’elle aime. Mais dans l’adaptation de son ouvrage en opéra, une parenthèse rafraîchissante est proposée au début du premier acte. Léo Delibes a ainsi choisi de composer un morceau court, mais aujourd’hui connu : le Duo des fleurs. On y voit Lakmé et sa servante Mallika s’apprêter à aller cueillir des fleurs dans la forêt.
« Lakmé : Viens, descendons ensemble.
Doucement glissons de son flot charmant
Suivons le courant fuyant
Dans l’onde frémissante
D’une main nonchalante
Mallika : Oh! maîtresse,
C’est l’heure ou je te vois sourire,
L’heure bénie où je puis lire
Dans le coeur toujours fermé de Lakmé ! »
Le morceau joyeux présente une vraie complicité entre la servante et sa maîtresse, cette dernière étant pourtant peu prolixe. Cette connivence est particulièrement visible dans une version dirigée par François-Xavier Roth, où la soprano Sabine Devieilhe et la mezzo-soprano Marianne Crebassa s’échangent ces lignes si délicates.
5 morceaux ne sont bien entendu pas suffisant pour décrire tous les sentiments humains, et d’autres artistes ont pris un parti opposé. Peu nombreux, ils décrivent la joie d’une relation saine. Par exemple, Tones and I et son morceau Dance Monkey décrit l’admiration que l’on peut avoir pour l’autre, et Rupert Holmes rappelle que la personne idéale est souvent celle avec qui l’on est déjà, dans Escape (The Pina Colada Song). Il reste certainement beaucoup à travail pour tenter de décrire la complexité des sentiments humains.