Cet article a été écrit dans le cadre de mes études à l'École Supérieure de Journalisme de Paris.
La consigne était de rédiger un article de presse quotidienne régionale à partir d'éléments récupérés dans des archives en ligne.
Calibrage : 3000 signes
Trois morts aux Trois-Pignons
2 morts, 3 000 pièces de procédures, 200 000 heures d’audition, un mystère encore complet. Le meurtre des « fiancés de Fontainebleau » garde ses secrets. 30 ans après, un journaliste publie un livre apportant de nouveaux éléments.
La forêt de Fontainebleau en automne… Lorsque le soleil perce les dernières feuilles encore accrochées aux arbres, il réchauffe les promeneurs et les cyclistes. À la Toussaint, on croise aussi des grimpeurs dans les platières, et des chasseurs sur les landes autour du GR 11. Au loin, on entend des coups de feu : la chasse est ouverte. Le lundi 31 octobre 1988, même tableau. Seules les modèles d’automobiles ont changé. Au lieu d’une Peugeot 208, on voit une 304.
Plus loin sur le chemin bordé de fougères, un jeune couple. Ils sont beaux. Elle, blonde au sourire timide, tient le bras de son compagnon, plus grand et élégant. Anne-Sophie Vandamme et Gilles Naudet sont accompagnés de leur berger des Pyrénées, Dundee. À la veille de la Toussaint, les jeunes fiancés ont déjeuné chez les parents d’Anne-Sophie, à Bois-le Roi. Ils ont ensuite roulé jusqu’au parking de la Feuillardière, dans le massif des Trois-Pignons, d’où ils ont continué à pied.
La gendarmerie ne les retrouvera que trois mois plus tard, le 10 janvier 1989. Gilles a cinq balles dans le corps, Anne-Sophie trois et leur chien, deux. Ce ne sont pas des balles perdues. Elles ont été tirées à moins d’un mètre, par deux armes. Il aura fallu un millier d’hommes de la gendarmerie, deux-cents motards, cinquante cavaliers, des chiens, des plongeurs, des spéléos et deux hélicoptères pour couvrir 30 kilomètres carrés de massif bellifontain.
Si l’employé de banque et l’assistante sociale ont été difficiles à retrouver, c’est parce que les cadavres ont été stockés pendant plus de deux mois, avant d’être déposés au milieu des fougères, grossièrement recouverts de feuilles mortes. Le 11 janvier 1989, Le Parisien titre « Les fiancés de Fontainebleau : double assassinat ». C’est bien la première hypothèse des enquêteurs : le chien aurait été confondu avec un gibier par les chasseurs, et aurait été blessé par balle. Gilles Naudet, en colère, aurait ensuite été réduit au silence, ainsi que sa fiancée. Mais le milieu de la chasse est pour le moins taiseux. L’enquête piétine.
Dix ans après, nouvel élément dans l’affaire. Un homme de Gironville revendique le triple meurtre. Surnommé Rambo pour son goût des armes, le jeune Cédric (il avait 17 ans au moment des faits) accuse son père et un ami de ce dernier, avant de se rétracter. Après plus de trois ans d’incarcération, il sera jugé et acquitté. L’enquête et l’instruction ont duré treize ans, réunit 3 000 pièces de procédures et 200 000 heures d’audition dans 26 tomes. Mais la prescription rattrape les faits.
Un journaliste s’intéresse depuis 30 ans à la mort des deux jeunes gens et de leur chien. Il considère qu’on ne peut ignorer le poids du lobby de la chasse, où se côtoient des notables locaux, des industriels de renommée internationale, des représentants du monde politique local… Dans son second livre sorti récemment, il accuse la justice française. Son intime conviction est que cette dernière a tout fait pour ne pas trouver les meurtriers.